Interview

Interview – Yves Cusset, directeur artistique de la compagnie Un jour J’irai

29 avril 2021

Qui êtes-vous ? Présentez-nous la compagnie Un jour j’irai

“Bonjour, je m’appelle Yves Cusset, je suis responsable artistique de la compagnie Un jour j’irai. 
La compagnie a été créée en 2006, elle produit les spectacles que j’écris et interprète,  seul ou avec d’autres comédiens. Le but de la compagnie est de produire ces spectacles d’un genre un peu particulier, celui de l’humour philosophique.

J’ai commencé avec des seul-en-scène, puis ça s’est élargi, je travaille avec un certain nombre d’autres comédiens et de techniciens qui sont employés ponctuellement par la compagnie. En 15 ans, on a créé 10 spectacles, pour environ un millier de représentations.”

Astrid Di Crollalanza  ©Flammarion

Vous aviez des représentations de prévues cette année ?

“Je ne sais plus trop si c’était pour cette saison ou la précédente… sûrement un peu des deux. Il y a eu des reports, des doubles reports et des annulations… Je dois dire que je n’y vois plus trop clair ! 

Pour la préparation de la saison prochaine, les choses sont compliquées, autant pour les compagnies que pour les structures de diffusion,  car elles ne sont même plus à même de dire si elles annulent ou s’il y a une nouvelle programmation. Pour le moment, c’est le suspens !

On essaie de continuer malgré tout à créer. Mon dernier spectacle s’intitule “L’amour est enfant de putain” (j’ai écrit le texte il y a une dizaine d’années et il a été édité à La Librairie Théâtrale en 2016), j’y joue aux côtés de Nadège Taravellier et Emmanuel Lortet, et je co-mets en scène avec Denis Lefrançois.

En mars 2020, nous avons fait une résidence à l’Artdam à Dijon pour la création de cette pièce et nous avons réussi à aller au bout de celle-ci. Malheureusement, nous n’avons pas pu jouer la pièce pendant un an et, ça aurait été deux ans, si on n’avait pas repris ce spectacle en version représentation professionnelle en mars 2021. Nous avons quand même pu refaire une résidence et 2 représentations professionnelles.”

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?

“Récemment, j’ai vu passer dans les rues de Bordeaux, une campagne d’affichage, plutôt de second degré, qui questionnait le métier d’artiste “Artiste, est-ce un métier ?”. La question a évidemment choqué beaucoup de monde, mais moi, je la trouvais intéressante, malgré sa maladresse. 

La raison pour laquelle j’ai fait ce métier, c’est que je considère que ce n’en n’est pas un ! C’est-à-dire qu’il n’y a pas d’horaires fixes, pas de routine,  il n’y a pas de choses qui nous sont imposées par quelqu’un d’autre,  et je voulais avant tout – ce qui n’est pas forcément compatible  avec l’idée de métier –  faire ce que j’avais envie de faire et ce qui sortait de moi,  ce qui est plutôt une chance exceptionnelle.

Effectivement, cela demande de la rigueur, de l’exigence et toute une organisation administrative et professionnelle, qui en fait bien entendu aussi un véritable métier. De ce point de vue, il faut distinguer l’approche professionnelle de l’art de l’approche amateure mais, au fond, la notion de métier n’est pas forcément pertinente, en tout cas c’est ça qui me plaisait. 

Le théâtre est une autre manière de ne pas être dans la contrainte sociale permanente, de se voir imposer une temporalité et des désirs qui ne dépendent pas de nous.  Comme beaucoup je crois, j’ai cherché cette possibilité de faire tout simplement quelque chose que j’aime et c’est un privilège.

Je dirais même que c’est une envie profonde de pratiquer un certain type d’activité, et l’on retrouve cela aussi dans la philosophie, qui suppose le loisir et la disponibilité. Quant au  fait que je me sois intéressé plus spécifiquement au théâtre et ensuite à l’humour, ça, ça vient plutôt de ma formation.  

Adolescent, j’ai commencé les cours de théâtre tout à fait par hasard,  dans un café-théâtre “Le Point Virgule” à Paris.  J’ai toujours été fasciné par la pratique de l’humour. Je n’étais pas du tout un blagueur et je me suis dit que sur scène, il y a la possibilité, quand on n’est pas forcément drôle dans la vie, de l’être pourquoi pas sur scène haha !

Je me suis toujours dit qu’un jour je le ferai ! Ça a mis du temps, j’ai quasiment attendu mes 30 ans pour me dire “je m’y mets et j’écris mes propres spectacles d’humour” mais j’ai fini par sauter le pas.”

Quel est le projet qui vous a le plus marqué ?

“C’est souvent le projet le plus récent, qui marque le plus, puisqu’on est encore dans l’effervescence de la création.

Le dernier projet de la compagnie est très excitant puisque je n’avais jamais travaillé avec autant de monde. La plupart du temps, il s’agit de duos (aux côtés de Sarah Gabillon) ou de seul-en-scène, là, on est trois sur scène, c’est totalement nouveau. Il y a un metteur en scène, Denis Lefrançois, et deux autres comédiens, avec qui je n’avais pas travaillé auparavant, Emmanuel Lortet et Nadège Taravellier, mais on s’entend très bien dans le travail sur scène. 

Pour ce projet, je co-mets en scène en tant qu’auteur. Ce spectacle me marque d’autant plus avec le contexte actuel, car on se demande quand on va pouvoir enfin le jouer vraiment… 

Récemment, on a eu des représentations professionnelles, elles ont été, pour le coup, très marquantes, puisqu’on a pu rejouer devant 10 personnes ! Ces 10 personnes étaient  d’ailleurs presque étonnées d’être là aussi. Il y avait un côté événement magique alors que c’est ce qu’on fait d’habitude.
Sinon,  pour le Festival d’Avignon,  je vais reprendre un seul en scène que j’ai écrit  au tout début,  en 2006,  qui s’appelle “Rien ne sert d’exister”. Il m’accompagne depuis toutes ces années, je l’ai joué environ 300 ou 350 fois,  il ne me quitte pas. Il y a eu une petite pause  entre 2012 et 2016, mais j’ai eu très envie de le reprendre dès que l’occasion s’est présentée et forcément, j’ai une affection toute particulière pour ce premier seul en scène.”

Qu’est-ce qui vous inspire en ce moment ?

“Mon inspiration est très intermittente, très ponctuelle ! En ce moment, j’ai du mal à m’inscrire dans la durée.  Il y a des temps où j’écris des textes courts, humoristiques, des billets d’humeur et d’autres où je suis en pause. J’ai du mal à être inspiré réellement par le contexte.  Même si j’ai achevé un ouvrage sur la fin de vie pendant le premier confinement ! Mais il n’a pas été inspiré par la pandémie… Cela vient sûrement de ma formation, j’ai besoin d’un peu de distance, je ne suis pas dans la réactivité immédiate à ce qui arrive. J’ai besoin d’un peu de profondeur de temps pour lui donner du sens,  mais ce n’est pas facile, cela dit, de se sentir un peu “à sec”.

Pour moi, la scène est une source d’inspiration importante. J’ai l’habitude de jouer souvent… Là, je joue très peu. Je suis en train de me rendre compte que c’est une respiration qui m’offre de l’inspiration.”

Votre astuce pour ne pas s’ennuyer en confinement ?

“On appelle aujourd’hui beaucoup à se former, mais se former, c’est renouveler ses compétences,  s’adapter possiblement à de nouveaux métiers. Pour ma part, j’ai découvert pendant cette période, l’envie, non pas de me former, mais d’apprendre. Deux choses que je trouve très différentes. J’apprends des choses et je ne pensais pas qu’à mon âge, je pouvais encore apprendre réellement, apprendre pour le plaisir d’apprendre,  pour le seul plaisir de la découverte (et non pour tromper l’ennui). En ce moment, j’apprends le russe et le piano. Je  ne l’aurai sans doute pas fait  sans ce contexte de pandémie.”

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

“Si le Festival d’Avignon a lieu… Je jouerai mon tout premier seul en scène,  “Rien ne sert d’exister” et dans la deuxième partie d’Avignon, un autre seul en scène que j’ai écrit et mis en scène, qui s’appelle “Le tout petit prince minuscule”. Il sera joué par Ernaut Vivien, un artiste que j’ai découvert il y a quelques années. Je suis très heureux  qu’il joue un de mes textes.  J’espère que ça se fera !”

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